
Ian Fleming, gentleman, agent secret au service de sa Majesté
C’est toujours avec un immense plaisir que France Grande Bretagne reçoit Eric Simon, écrivain et conférencier qui a rejoint le Berry après 40 ans passés à Londres. Vendredi 10 février, il a tenu en haleine un auditoire captivé par la vie passionnée et tumultueuse de Ian Fleming, ‘’père’’ de l’agent 007, James Bond.
Ian Fleming, issu d’une famille de riches banquiers de la haute société, d’origine écossaise, nait le 28 mai 1908, à Londres dans le quartier chic de Mayfair. Evelyn St Croix, sa mère et Valentine Fleming, son père (député conservateur, tué sur le front français en 1917), appartiennent à cette vieille Angleterre qui rêve d’aller en Inde, de voyager dans les colonies britanniques. Après la mort de son mari, Madame Fleming mène sa vie, a des ’’affaires’’ et témoigne peu d’affection pour son fils.
Ce dernier effectue une scolarité relativement médiocre dans des écoles renommées comme le collège pour garçons d’Eton et l’Académie royale militaire de Sandhurst d’où il est d’ailleurs renvoyé ; il poursuit son apprentissage dans les universités de Munich et de Genève. Puis il travaille comme journaliste chez Reuters et trader dans la banque de son grand père. Mais tout cela ne l’intéresse pas. Il est sportif, très doué pour les langues et apprend le russe, l’allemand, le japonais, le français, l’espagnol et se passionne pour l’espionnage … avant d’être recruté par les services secrets britanniques.
C’est en 1939 qu’il est approché par le directeur du Département britannique de défense navale. À la veille de la guerre, les facilités de Fleming avec la langue allemande représentent un réel atout pour l’armée. Dans un premier temps lieutenant, il est vite promu au rang de commandant, ce qui lui permet de mettre au point des plans pour contrer les avancées de l’Allemagne nazie. L’un de ces projets, nommé ‘‘Operation Rutiles’’ (Opération sans pitié), consiste à voler les codes de la machine Enigma. Cette dernière, réputée inviolable, permettait aux nazis d’échanger des informations concernant les opérations en cours au moyen de messages secrets modifiés tous les jours. Si le projet du Britannique tombe à l’eau, il lui permet de se faire remarquer pour une autre opération, l’opération GoldenEye.
GoldenEye consiste à surveiller l’Espagne suite à une potentielle alliance avec le général Franco et à organiser différents sabotages. C’est à partir de son expérience dans l’armée et de son travail de journalisme qu’il va poser les bases de son premier roman d’espionnage. En 1952, marié à Ann Charteris (dont le cousin, Leslie Charteris, est l’auteur des aventures du ‘’Saint’’) et père d’un fils, Caspar*, il prend le temps d’écrire et s’inspire de ses relations proches pour créer ses personnages : le caractère de James Bond, par exemple, est en partie basé sur celui de Wilfred Dunderdale, un membre du MI6 rencontré lors de sa carrière militaire, M était le surnom que l’auteur donnait à sa mère et les James Bond girls sont inspirées de sa compagne, avec laquelle il entretient une relation pour le moins originale, voire volcanique et torride.
Récemment divorcée au moment de son mariage avec Fleming, Ann est une femme élégante, érudite, au caractère fort. Les Fleming sont extrêmement proches des personnages de l’auteur….
Plusieurs charactères vont influencer fortement Ian Fleming dans la création de ses personnages : son grand frère, Peter, lui aussi dans les services secrets au Moyen Orient ; Menzies, un colosse de 2 m, champion de tir, de judo qui parle le yiddish polonais et qui réussit toutes les missions qui lui sont confiées ; Orwell, très grand journaliste qui va se battre pour les Républicains. Lawrence d’Arabie, un ami de Churchill. Wilfred Dunderdale, né à Odessa, agent britannique membre du Secret Intelligence Service. Il agit contre les Japonais, c’est un aventurier et le meilleur tireur du Foreign Office. Roald Dahl, l’ami du camp 21, rencontré au Canada qui, toute sa vie, sera proche de lui. Alan Turing, dans le cadre d’Enigma. Dusko Popov, Serbe, nom de code ‘’tricycle’’, rencontré au Portugal en 1942 qui est un agent ….. triple.
Il faut attendre 1953 pour voir apparaitre son tout premier roman ‘’Casino Royale’’ (Espion, faites vos jeux). D’autres romans et nouvelles suivent, toujours couronnés de succès et dans les années 50, pour se reposer, Fleming s’installe quelques mois dans une maison achetée en Jamaïque. Cette maison, il la baptise ‘‘GoldenEye’’.
Les romans de Fleming, bien que populaires dans le Royaume-Uni, passent quelque peu inaperçus aux États-Unis. En 1961, la situation change grâce à une publicité surprenante: JF Kennedy, alors nouveau président des États-Unis, confie au magazine Life que le livre ‘‘From Russia With Love’’ (Échec à l’Orient-Express) est l’un de ses préférés. Fleming écrit aussi un livre pour enfants ‘’Chitty-Chitty-Bang-Bang’’ qui va connaitre un grand succès.
Grand est d’ailleurs l’adjectif qui caractérise le mieux les facettes de sa personnalité : séducteur, espion, aventurier, journaliste, écrivain, sportif, golfeur, fumeur, buveur de vodka, Ian Fleming meurt, à 56 ans, le 12 août 1964, suite à une crise cardiaque, en Angleterre où il est enterré aux côtés de sa famille, dans le Wiltshire.
De sa vie privée à sa vie professionnelle, toutes ses expériences inspirent ses écrits le plaçant parmi les grands romanciers de son siècle. On peut dire qu’avec Ian Fleming, la légende dépasse la fiction…